vendredi 20 juin 2014

F comme (la) Fuite et la foire



- Le 5 juillet 1917, le capitaine Henri Désagneaux reprend le commandement du 6e bataillon du 359e RI après une dizaine de jours de permission à Pornichet. « Je pense retrouver le régiment au repos. Il est toujours en ligne » dans le secteur de la Royère (secteur très agité, où il est présent depuis le 11 juin). Le 359e a subi plusieurs assauts allemands violents, qui cherchent à reprendre possession  des « observatoires » sur les hauteurs du Chemin des Dames, notamment le 23 juin ; « après des dures journées, le régiment compte être relevé de jour en jour. C’est là que je les retrouve. Comme à Verdun, on n’a pu se laver. Les barbes ont poussé, les figures sont amaigries, les yeux sont jaunes. C’est l’épuisement, on reste quand même. Mais l’esprit devient de plus en plus mauvais. »

- Dans la nuit du 5 au 6, le 6e bataillon doit être relevé par le 10e, « qui remonte encore une fois en ligne. A une heure du matin, personne. On apprend que les hommes ne veulent pas retourner en ligne. Puis, vers trois heures du matin, alors que le jour va se lever, il en arrive par petits groupes de quatre, cinq ; c’est la fuite et la foire. On ne sait pas qui est là, ni où se mettre ; enfin, vers quatre heures, les récalcitrants ont été ramenés à la raison, la relève peut se faire, mais dans quelles conditions. Les avions boches planent au-dessus de nous et signalent les mouvements de troupes. C’est un déluge d’obus de tous calibres. » Une partie du bataillon part en réserve à la tranchée Bartan, l’autre aux creutes de Rouge-Maison.


- « Le départ du 10e bataillon pour cette relève a été épique. Le bataillon était cantonné dans une champignonnière avec l’état-major de la division. A l’ordre de mettre sac au dos, personne ne bouge, les bougies s’éteignent, c’est la nuit noire. Chaque fois qu’un officier allume une bougie, elle est aussitôt éteinte. Le rassemblement ne peut se faire. Aux ordres donnés, les hommes répondent par des ricanements ou des injures. Les officiers de la division veulent intervenir, exhorter les hommes à faire leur devoir, ils sont houspillés. Le temps passe ; quelques hommes s’équipent et reviennent à la raison ; c’est la nuit noire. Les officiers, las de leur impuissance, s’arment de leur revolver et menacent. Aussitôt les fusils se chargent, c’est un bruit de culasse de tous côtés. On parlemente, on cherche des hommes de bonne volonté pour donner l’exemple et déclencher les départs. Insuccès. Des officiers équipent eux-mêmes leurs bons soldats et les font filer un à un. Cela en décide d’autres. C’est ainsi que nous avons vu tout d’abord arriver de petits groupes. »




Source : Henri Désagneaux, Journal de guerre
JMO 359e RI : SHD, cote 26 N 761/10


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