samedi 28 avril 2012

B comme Bois du Bonnet Persan




- Bois aujourd’hui disparu situé un peu à l’est de la route Corbeny-Pontavert, à hauteur du carrefour avec celle qui vient de Chevreux et celle qui part La Ville-au-Bois.

- De septembre 1914 à avril 1914, le Bois du / en Bonnet Persan est en première ligne, marquant la limite entre Français et Allemands ; cette zone disputée change parfois de main mais jamais ne se trouve hors des tensions et des combats.



De Gaulle au Bonnet Persan

- Fin novembre 1914, le lieutenant Charles de Gaulle (33e RI) s’ennuie dans cette nouvelle guerre de position qui l’oblige à attendre et attendre encore …
- « Étant à la cote 87 [Butte de l’Edmond, NDLA] je décide une reconnaissance approfondie d'un petit bois dénommé le Bonnet Persan, à mi-chemin entre Corbeny et moi, entre la tranchée [de plaine ? NDLA : oui] des Allemands et celle du 73e. Divers renseignements concordent pour affirmer que les Allemands y travaillent la nuit. J'y envoie une section, Desnoyelles, à 6 heures du soir. […] Desnoyelles envoie 3 patrouilles, une à droite du bois, une droit dessus, une à gauche. Celle de droite aperçoit bientôt une vingtaine d'Allemands (il fait un clair de lune splendide) travaillant paisiblement hors du bois et vers la droite. Les autres voient des sentinelles apparaître en plusieurs points du bois. Les patrouilles se rapprochent encore, elles sont ou vues ou entendues, car sur un appel d'une sentinelle les travailleurs rentrent précipitamment dans le bois, puis plus rien. Tout à coup, la patrouille de droite aperçoit une ligne nombreuse de tirailleurs allemands qui, partant du bois, commence déjà à l'envelopper en rampant. Elle prévient les autres et se carapate à quatre pattes. Dans tout cela, pas un coup de fusil. Ce que voyant les Boches regagnent le bois. J'arrive sur ces entrefaites sur le terrain, voulant me donner les allures du deus ex machina. Je porte en avant toute la section de Desnoyelles mais tout doucement, le fusil chargé et une bonne patrouille à 200 m sur chaque flanc. Nous voici à 300 m du bois toujours sous un clair de lune implacable. J'arrête là et fais commencer la tranchée. Les hommes assez émus travaillent avec entrain. Avant le jour la tranchée est finie est très solide, la section Desnoyelles peut y vivre confortablement tout un jour. Entre-temps, l'ennemi nous entendant travailler et, inquiet, allume toutes les heures une petite meulette d'avoine dont un champ voisin est plein. Mais n'étant évidemment pas couvert lui-même et très désireux qu'on lui fiche la paix, il ne tire pas un coup de fusil. »
- De Gaulle souhaite aussi construire un boyau entre cette tranchée et celles du 73e pour que les Allemands abandonnent le Bois Persan sous la pression constante des Français. Cependant, son commandant lui fait la réponse suivante : « “Bien ! Mais n’entreprenez rien ainsi dans le secteur. Vous amènerez des conflagrations. Laissez l'ennemi tranquille au Bonnet Persan, puisqu'il nous laisse tranquille chez nous !” J'avais envie de lui répondre : “ Mais le Bonnet Persan c’est chez nous et bien plus loin encore, jusqu'à la Meuse et au-delà ! ” Je ne répondis rien. À quoi bon ! »

(Charles de Gaulle, Lettres, notes et carnets 1905-1918, Plon)



La réussite du 255e RI (septembre 1915)

- Régulièrement, des coups de main des deux camps ont pour cœur le bois, tel celui du 36e RI décrit ici par Jérôme Verroust (5 avril 1915)


- A partir de septembre 1915, le 255e RI s’installe dans le bois de Beaumarais avec mission première de renforcer les installations déjà bâties et – si possible – de mener des attaques de diversion en fonction des offensives de Champagne.
- On décide donc de construire 3 parallèles solides reliées par des boyaux (comme l’envisageait De Gaulle). Après celles de Bruxelles et de la Cannebière, la troisième doit se situer au nord du Bois du Bonnet Persan ; or, celui-ci est occupé par les Allemands (« on acquiert la certitude qu’ [il] est entouré d’un réseau de fil de fer électrifié. » ; on amorce donc la tranchée à sa gauche, à sa droite, et l’on creuse les boyaux vers l’arrière : « En somme, le travail est poussé de telle sorte que le Bois en Bonnet Persan soit encadré aussi rapidement et d’aussi près que possible. »
(source : JMO 252e Brigade ; il n’existe pas de journal pour le 255e RI)

- Le 22 septembre, « le sergent Violetinscrivait à la gloire du régiment l’une des pages les plus éclatantes de son histoire : il réalisait ce prodige d’enlever de jour, avec le seul concours de deux patrouilleurs, le bois du Bonnet Persan, point d’appui du front ennemi redoutablement défendu par un triple réseau de fil de fer électrisé et à l’attaque duquel il avait été antérieurement projeté de lancer un bataillon » (Historique du 255e RI). Les Allemands, quasiment encerclés, renoncent en fait à défendre ce saillant au moment où la situation générale est si tendue). 
- Le Bonnet Persan est donc intégré à la première ligne de défense française. La zone est difficile, notamment à cause de l’eau dans cette plaine facilement marécageuse ; rien n’est donc jamais ni stable ni définitif, et l’état-major français donne sa priorité aux infrastructures situées dans les bois un peu en arrière (les Allemands dont de même en fortifiant la zone des courtines : Sablière, Carrière et Persane notamment).




Le Bois en Bonnet Persan lors de l’offensive Nivelle (1917)

- Début avril 1917, le bois – ou plutôt ce qu’il en reste … – est juste en avant de la première grande tranchée française (Anspach), entouré de défenses accessoires (à sa gauche, le poste d’Oran ; à sa gauche celui de Nemours).
- Le 10, le 110e y mène un coup de main dans la soirée, pour constater avec beaucoup d’amertume que les défenses allemandes sont très peu touchées par la préparation d’artillerie qui a commencé quelques jours plus tôt ; par exemple « aucune brèche n’existe » dans le réseau barbelé.
- Le 12, nouvelle patrouille : il y a du mieux mais « les réseaux restent encore très denses et infranchissables » (c’est toujours la même situation le 13).

- L’attaque étant cependant maintenue, on aménage les lieux en fonction : un parallèle de départ relie Oran et Nemours, à travers le bois du Bonnet Persan ; un boyau parcourt celui-ci dans le sens de la longueur pour y acheminer les troupes le 16 au petit matin …

- La petite progression des 16 et 17 avril n’entraîne pas de changements profonds pour le secteur. Ce n’est qu’après les nouvelles poussées de mai (vers la tranchée Lutzow) que le bois entre dans le cœur du système défensif français.
(Cf. par exemple cette carte issue du JMO de la 18e DI fin mai 1918)




- Après la guerre, le site est reboisé. Le bois du Bonnet Persan existe encore dans les années 1950 avant de disparaître avec le remembrement.






Chronologie : les troupes françaises au Bois du Bonnet Persan (1914-1917)
(il s’agit d’une première tentative pour moi ; veuillez excuser les éventuels manques ou imprécisions, d’autant que le bois a souvent servi de limite entre deux unités)


Septembre-décembre 1914 : 33e RI 

Décembre 1914-mai 1915 : 36e RI (et 129e RI)

Mai 1915 : 127e RI

Mai-août 1915 : 73e RI

Septembre-octobre 1915 : 255e RI

Octobre-novembre 1915 : 412e RI  (et 34e RI)

Novembre 1915-Février 1916 : 110e RI

Février-mai 1916 : 231e RI (jusqu’à sa dissolution)

Juin 1916 : 276e RI

Juin-septembre 1916 : 267e RI

Octobre-décembre 1916 : 66e RIT

Décembre 1916-Janvier 1917 : 131e RI

Janvier-mars 1917 : 327e RI

12 mars-début avril 1917 : 33e RI

16-19 avril 1917 : 110e RI

19 avril-23 avril 1917 : 5e BCP

23 avril-2 mai 1917 : 24e BCP
(Pas de JMO)

3 mai-début juin 1917 : 66e RI (progression française)

Juin 1917 (le bois n’est plus du tout en première ligne) : 11e et 14e BCP
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