samedi 1 décembre 2012

P comme Présomption



- Le 16 avril 1917, le 3e régiment de Zouaves (37e DI) attaque sur le canal de l’Aisne à la Marne, au nord-est de la Neuville, en direction de la vallée de la Suippe. Comme souvent, les défenses allemandes ne sont pas assez affaiblies et toute avancée est impossible, tandis que les pertes s’accumulent rapidement dans les « groupes clairsemés » (Historique).

- Le 23, le commandant Mondielli, qui prend la direction du 3e Zouaves face à l’indisponibilité du lieutenant-colonel Philippe (tombé gravement malade), écrit :


- « La cause fondamentale de l’insuccès de l’offensive française du 16 avril doit être recherchée dans la confiance excessive que le commandement français avait en ses propres forces, confiance poussée jusqu’à la présomption, et dans un mépris injustifié pour les moyens matériels et moraux de l’adversaire dont la force réelle a été estimée trop au-dessous de sa valeur.
Toute la manœuvre a été montée sans tenir compte de l’ennemi et de ses réactions possibles. Il semble bien qu’on se soit attendu à son départ au Jour J, comme il avait fait dans la région de Noyon. Or, il est resté et s’est défendu, et cette résistance à laquelle nous n’étions pas préparés a surpris et déconcerté le commandement. La troupe a été sacrifiée, en pure perte. » […]

- « C’était une utopie de penser que la même troupe, désillusionnée et affaiblie par les pertes consécutives à la première expérience, serait capable de reprendre l’attaque sans une nouvelle et parfaite préparation. Il semble que le Commandement, en renouvelant à jet continu ses ordres de reprendre l’attaque, ait tenu peu compte du facteur moral et de ce fait que nos troupes, qui sont intelligentes et pleines de bon sens, ont une notion très exacte des réalités et des possibilités de la bataille.
Les hommes, les unités ne sont pas des pions sur un échiquier. Les zouaves ayant échoué, la Brigade Ruses ne pouvait faire mieux, mais que penser de la collaboration en liaison, un instant envisagée, entre deux troupes aussi différentes que les Zouaves et les Russes, ayant des méthodes de combat si particulières et dont les chefs ne pouvaient ni s’entendre ni se comprendre et partant aucunement s’entr’aider. C’était renouveler la confusion de la Tour de Babel. 
Une notion dont il importe de bien se pénétrer, c’est celle de la fragilité de la troupe d’infanterie en face des éléments de destruction de la guerre moderne : canons, mitrailleuses, torpilles. En quelques minutes, un tiers de l’effectif est par terre et cependant les plans d’engagement continuent à prévoir pour chacun des missions importantes à plusieurs kilomètres du point de départ.
Les nuits de bivouac, les mouvements de navette, la boue gluante augmentent la fatigue dans des proportions insoupçonnées de celui qui n’a pas lutté lui-même contre ces éléments de dissociation. 
Celui qui a souffert avec le fantassin peut seul dire avec quelle rapidité peut baisser l’esprit ou la faculté d’offensive d’une troupe à laquelle on a laissé, sous les intempéries, un répit de 24 ou 48 heures, qui ne peut en aucun cas être considéré comme un repos. 
Aussi, quand pour les raisons que nous avons exposées, l’élan d’une troupe a été brisé et l’assaut manqué, il faut courageusement envisager l’échec, se recueillir et recommencer une nouvelle préparation matérielle et morale. »



Rapport complet à retrouver dans le  JMO du 3e Zouaves (source : SHD) :
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